Équipements individuels mobiles : le projet pilote des Yvelines
Qu’il s’agisse du volet pédagogique ou économique, comment les collectivités s’emparent-elles du sujet de l’éducation numérique ? Retour d’expérience sous forme de transcription de la conférence tenue par les acteurs de Clamart et des Yvelines au salon Éducatec-Éducatice, en novembre 2021.
Iman el Bakali, maire adjointe de Clamart, déléguée aux affaires scolaires et au projet éducatif
Avec le Covid, nous avons constaté une rupture physique entre enseignants et élèves. Nous nous sommes donc penchés sur la possibilité de faire un cartable numérique complet, pour maintenir une continuité pédagogique. Il y a eu un travail avec Seine et Yvelines Numérique, qui eux-mêmes travaillent avec des enseignants détachés, spécialistes du numérique éducatif.
Le budget pour ce projet était de 1,6M€ en 2021. À cette somme s’ajoute un plan pluriannuel, qui court jusqu’à la fin de mandat, à hauteur de 4,5M€. Pour Clamart, le budget global pour l’éducation est de 14M€, c’est le plus important de la municipalité.
Pour soulager la direction des systèmes d’information (DSI) de la ville, qui traite aussi bien nos écoles que la police municipale, par exemple, un suivi a été mis en place par Seine et Yvelines Numérique. Ainsi, nous avons un technicien qui vient gérer ces outils et solutions numériques deux fois par semaine.
Cécile Dumoulin, vice-présidente déléguée aux collèges et au numérique scolaire, Yvelines
Pour nous, en tant que département, l’acte fondateur remonte à 2015, avec le plan numérique qui a fait son arrivée dans les Yvelines. Nous étions très en retard au niveau de l’équipement numérique des établissements scolaires.
Or la question n’est plus « doit-on aller vers le numérique », mais comment aller vers le numérique ?
Tout cela part d’abord d’une volonté politique : celle de donner aux collégiens le meilleur matériel. Nous avons donc démarré une expérimentation sur 17 établissements (18 initialement, mais l’un d’entre eux a été requalifié). Le choix s’est fait en partenariat avec l’Éducation nationale. L’idée était d’avoir des établissements représentatifs, aussi bien dans les zones en difficulté, qu’en pleine ville ou en secteur rural.
Ensuite, il a fallu évaluer cette expérimentation. Les enseignements que nous avons pu en tirer, c’est que 100 % des collèges tests ont décidé de poursuivre dans cette voie, ce qui est le signe que tous ont pris la mesure de l’importance du numérique éducatif.
90 % des enseignants ont acquis de nouvelles compétences en utilisant les tablettes et ⅔ des parents trouvent que leurs enfants apprennent mieux.
Sur les aspects plus négatifs, on a remarqué qu’en récupérant les tablettes pendant l’été, il y avait une perte d’usage qui se ressentait à la rentrée, donc on ne le fait plus. On observe aussi près de 3 % de casse au niveau du matériel, donc il faut mettre en place un meilleur suivi technique pour des réparations.
Les résultats étant encourageants, nous songeons donc à une généralisation du système dans tous les collèges du département.
Le budget du département, pour 10.000 tablettes élèves et 1000 tablettes enseignants, se chiffre à 1M€.
Malika Alouani, inspectrice de l’Éducation nationale
Notre rôle, c’est de travailler avec les collectivités, au plus près des projets. Cela permet d’être proche des enseignants et de leurs besoins, pour adapter plus facilement et précisément les démarches de transition numérique.
Le numérique, ce n’est pas que des outils. Ce sont de nouvelles pratiques dans la classe, et dans l’approche pédagogique. Donc le rôle des inspecteurs, de l’Éducation nationale, c’est aussi de définir comment accompagner les enseignants dans cette transformation des usages ?
Dans un contexte comme celui de Clamart, c’est simple et cela nous facilite la tâche, car c’est une expérimentation qu’on peut étudier en situation, en direct, qui est vivante.
Avec le numérique, on observe que les pratiques s’ajustent avec le temps. Les élèves et les enseignants osent plus travailler en groupe, parce que chaque élève a sa propre tablette, mais ils travaillent et évoluent ensemble, en même temps. La pédagogie différenciée est facilitée grâce à ces nouvelles technologies.
Iman el Bakali, maire adjointe de Clamart, déléguée aux affaires scolaires et au projet éducatif
Le partenariat avec l’Éducation nationale s’est fait naturellement. Il y a une expertise côté pédagogique pour appliquer des choses à la ville de Clamart, notamment du côté de la formation grâce à Canopé.
Cécile Dumoulin, vice-présidente déléguée aux collèges et au numérique scolaire, Yvelines
Parmi les enjeux à l’échelle du département, citons notamment l’autre volet de transition numérique qui est en cours d’élaboration : l’équipement des vies scolaires. C’est un fort besoin qui est remonté du terrain.
La formation des enseignants est elle aussi essentielle. C’est un enjeu partout, mais il est particulièrement de taille dans de grosses académies comme celle de Versailles.
Un autre enjeu pour les départements : le coût des livres numériques, très élevé ! À terme, cela pourra poser un problème.
Enfin, il y a la question des parents. Eux aussi ont besoin d’accompagnement dans la prise en main du numérique. Il faut notamment qu’ils exercent une vigilance particulière sur les usages des tablettes par les enfants, que les parents soient sensibilisés à ces questions.
Stéphane Proust, directeur numérique pour l’éducation et les solidarités, Seine et Yvelines Numérique
En effet. L’équipement accompagne l’enfant dans sa scolarité, à la fois dans et hors des écoles. Ça a interrogé quelques familles, notamment sur l’usage que leur enfant allait avoir de la tablette. Il faut donc s’adresser aux parents et leur dire qu’eux aussi auront un rôle dans ce processus de transition numérique.
C’est l’un des sujets émergents de ce domaine : comment inclure les parents dans la mise à disposition de ces écosystèmes numériques ?
Le bridage des tablettes n’est pas à voir comme une interdiction, une punition, mais plutôt comme une incitation à un usage raisonné. N’oublions pas qu’à l’école, la tablette est un outil pédagogique ! Cela limite de fait un certain nombre d’autres usages. Au domicile, par contre, il en est de la responsabilité des parents, non plus de l’Éducation nationale.
Iman el Bakali, maire adjointe de Clamart, déléguée aux affaires scolaires et au projet éducatif
On se demande vers quelles entreprises se diriger pour des partenariats. Est-ce qu’on veut s’appuyer sur les géants américains du secteur ? Ou du français ?
Il faut aussi se poser la question de l’alternance politique à la tête des collectivités. Mais pour éviter de changer radicalement de vision sur ce sujet essentiel qu’est l’éducation des enfants, il y a des consultations préalables au sein des territoires, y compris entre personnalités politiques de bords différents.
Il faut s’assurer que dans le fond, nous ayons tous les mêmes objectifs pour nos enfants, peu importe la couleur politique. Cela permet de s’assurer que dans ce domaine, les grandes lignes seront préservées, suivies.
Cécile Dumoulin, vice-présidente déléguée aux collèges et au numérique scolaire, Yvelines
Dans les Yvelines, c’est un projet politique jusqu’à la fin du mandat actuel. À son terme, le projet sera re-questionné sur des sujets spécifiques, pas sur la transition numérique, qui reste indispensable. On s’interrogera plus sur les usages, les partenaires, ou encore le matériel.